Critères de limite élastique
La loi de comportement que nous venons de définir admet malheureusement des limites. Dans pratiquement toutes les expériences, on constate en effet que, lorsque les efforts appliqués sont trop grands, le matériau perd ses qualités délasticité et quil subsiste des déformations permanentes appelées déformations plastiques. Lingénieur est alors soumis à deux contradictions : assurer un prix de revient minimal, cest à dire employer le moins de matière possible, et définir une structure performante et résistante, cest à dire utilisant beaucoup de matière. Il est donc nécessaire pour lui de se trouver constamment à la frontière entre ces deux contraintes et pour cela il lui faut donc avoir les éléments qui définissent cette frontière.
La connaissance dun état limite se détermine par les essais effectués en laboratoire. Il est logique de penser que cet état limite est lié au tenseur des contraintes car cest lexpression tensorielle qui traduit la répartition des efforts à lintérieur de la matière. En vertu de lhypothèse disotropie du matériau, il est logique de penser que la limite élastique sera reliée aux valeurs propres de létat de contrainte, cest à dire aux contraintes principales. De plus il faut pouvoir tenir compte des différents résultats obtenus lors des essais expérimentaux.
Nous pouvons donc envisager la forme générale dun critère comme étant une relation du type :
Dans cette expression, les coefficients permettent de prendre en compte les
différents résultats expérimentaux. On supposera que les contraintes principales sont
ordonnées :
Tout état de contrainte élastique vérifie linégalité, légalité étant obtenu en limite délasticité.
Afin de bien se représenter cette limite élastique, on peut envisager une représentation graphique. Pour cela on peut penser que le plan des cercles de Mohr, plan qui contient toutes les informations sur létat de contrainte, doit convenir. On va donc commencer par représenter dans ce plan les différents résultats expérimentaux.
Traction unixiale
Parfaitement normalisé, cest lessai le plus couramment pratiqué. Sa mise en uvre est relativement simple à condition de bien respecter le processus opératoire. Lessai de traction est aussi beaucoup utilisé pour définir les constantes élastiques du matériau. On démontre que, en des points au centre de léprouvette, létat de contrainte est de la forme :
représente laxe de la poutre.
Nous sommes donc dans les directions principales et le tricercle de Mohr associé est de la forme :
Les essais montrent que lon est dans le domaine de comportement élastique tant que lon vérifie la relation :
On définit ainsi la limite élastique en traction
du matériau .
Compression uniaxiale
Cest un essai plus difficile à mettre en uvre. Pour éviter les phénomènes de bord (frottement entre la pièce et les plateaux de compression) il faut une pièce élancée, mais on risque alors le flambement.
En des points au centre de la pièce létat de contrainte est de la forme :
avec
, contrainte normale de compression
Le tricercle de Mohr prend alors la forme suivante :
Les essais montrent que lon est dans le domaine de comportement élastique tant que lon vérifie la relation :
On définit ainsi la limite élastique en
compression du matériau .
Cisaillement simple
Cet état peut être obtenu dans le cas de la torsion dun tube de faible épaisseur. Bien entendu nous sommes à nouveau confrontés à des problèmes de flambement. Cest pourquoi nous utilisons souvent lessai de torsion sur des poutres droites circulaires à section pleine. Létat de contrainte est de la forme :
Après calcul des valeurs propres , il est facile de représenter le tricercle
de Mohr :
Lexpérience montre quil existe une valeur de contrainte tangentielle à ne pas dépasser si lon veut rester dans un état élastique :
Compression isotrope
Cest en fait le cas dun corps auquel on applique une pression uniforme sur sa surface. Létat de contrainte est alors sphérique est on a :
Lexpérience montre quen fait il ny a pratiquement pas de limite à la valeur de la pression appliquée. Après retour à un état de pression nulle, le corps retrouve intégralement sa forme initiale : il ny a aucune déformation permanente.
Les différents critères
La détermination dun critère est particulièrement délicate. Il nexiste malheureusement pas de critère universel qui intègre tous les résultats expérimentaux. Même si il était possible de déterminer un tel critère, il est à craindre que le coût détablissement et le coût dutilisation ne seraient pas admissibles industriellement. En effet la détermination des différentes limites élastiques associées aux différents essais fait appel à des machines dessai plus ou moins sophistiquées qui peuvent être onéreuses. Aussi on préfère utilisé des critères qui ne font appel quà un ou deux essais et qui sont plus simples à mettre en uvre. On est alors parfaitement conscient que lon perd de la précision, mais il faut relativiser cette perte vis à vis des incertitudes de mesures expérimentales des limites élastiques, ou de détermination des grandeurs caractéristiques de la loi de comportement.
Le critère de Von Misès
Ce critère est basé sur le dernier constat concernant la compression isotrope et sur lénergie de déformation. Comme il ny a aucune limite, il faut que ce critère permette de quantifier une énergie de déformation qui ne dépende pas de la compression isotrope.
En se basant sur les résultats obtenus par lexpérience, à savoir que lon modifie le volume sans modifier la forme, on peut montrer que le tenseur des contraintes, comme le tenseur des déformations, est purement sphérique. Les parties déviatoriques sont nulles.
Lidée associée au critère de Von Misès est donc de limiter lénergie de déformation élastique déviatorique, cest à dire celle obtenue à partir des tenseurs déviateurs.
On a vu que lénergie de déformation avait lexpression infinitésimale suivante :
Avec une loi de comportement élastique linéaire on obtient :
Avec la décomposition en partie sphérique et déviatorique, on obtient :
Pour le critère de Von Misès on a :
En tenant compte des résultats donnés par lessai de traction et en exprimant lénergie de déformation déviatorique en fonction de létat de contrainte, on obtient :
En fonction des contraintes principales on a :
Ce critère, qui vérifie particulièrement bien le cas de la compression hydrostatique, présente linconvénient dêtre symétrique en traction et en compression. Il ne permet pas de prendre en compte une différence entre la limite élastique en traction et la limite élastique en compression. Son principal intérêt réside dans sa simplicité dusage.
Le critère de Tresca
Ce critère est basé sur une limitation du cisaillement en un point. Il revient en fait à limiter le rayon du plus grand des cercles de Mohr et de ce fait il est particulièrement bien adapté à des sollicitations de cisaillement comme la torsion dune poutre.
Son expression est simplement donné en contraintes
principales ordonnéespar la
formule :
Comme pour le critère de Von Misès, on se trouve devant un critère simple à définir et à mettre en uvre mais qui ne permet pas de prendre en compte la complexité des différents résultats dessais. En particulier, comme pour le critère précédent, on constate quil ny a aucune limitation à une sollicitation de traction isotrope, ce qui va à lencontre des résultats expérimentaux.